Selon un proverbe répandu chez les Autochtones, les Premiers Peuples de notre pays, la Terre n’appartient pas à l’humain, c’est l’humain qui appartient à la Terre. Ainsi, on trouve chez plusieurs nations autochtones un récit de la création qui ressemble à celui-ci :
Un jour, une femme qui attendait un enfant tomba du monde céleste. Voyant ce qui se passait, la grande tortue l’accueillit dans sa chute. Aidée des autres animaux, la tortue sauva la femme. Celle-ci donna naissance à la Terre, la Terre-Mère, qui engendra ensuite toutes les créatures.
Dans ce mythe, la Terre mérite notre respect. Nous n’habitons pas la Terre, ce sont plutôt les lieux, les territoires, qui nous habitent et laissent des traces en nous. Cela, Jean Paul le découvre très tôt. Adolescent, il assiste avec son père à une conférence d’Archibald Belaney, nommé Grey Owl, un naturaliste anglais qui s’était intéressé dès son jeune âge aux Premiers Peuples d’Amérique du Nord. Après avoir émigré au Canada, le jeune homme s’était installé parmi les Ojibwés du nord de l’Ontario, se fondant dans leur communauté jusqu’à en adopter l’identité : on l’appelait d’ailleurs Wa-Sha-Quon-Asin, ce qui signifie grey owl ou chouette cendrée. Personnage légendaire, fort de ses nouvelles racines autochtones, Grey Owl se consacrera à la défense de la terre et des animaux, particulièrement du castor. Il influencera profondément Jean Paul.
C’est en France cependant que la passion de Jean Paul pour les cultures autochtones va se concrétiser. Ses amis surréalistes sont de grands collectionneurs de masques des peuples yupik, kwakwaka’wakw et tlingit de la Côte-Ouest de l’Alaska et de la Colombie-Britannique. Jean Paul s’y intéresse. Homme de culture, il lit sur le sujet. Par exemple, il connaît Les jeux de ficelle des Arviligjuarmiut, du missionnaire Guy Mary-Rousselière, et Les derniers rois de Thulé, de Jean Malaurie, deux ouvrages sur la culture inuite.
Les titres des œuvres de Riopelle témoignent abondamment de son intérêt pour les territoires et pour les langues autochtones : citons Micmac (une langue de la famille des langues algonquiennes) ou encore Muscowequan (le nom d’une Première Nation ojibwée de l’Ouest canadien).
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Helen Duffy, « L’art de Jean-Paul Riopelle, une alchimie de la vie », Décormag, Montréal, mai 1977, p. 36-39.